« Croire que notre conscience se trouve dans notre cerveau équivaut à croire que l’orchestre se trouve dans la radio.» Nassim Haramein
Le plus important chez l’homme, c’est son niveau de conscience. Plus son niveau de conscience est élevé, plus il aura conscience de ce qu’il fait et moins il pourra faire de mal. Celui qui a une réelle conscience des conséquences de ses actes et de ses paroles n’a pas besoin d’obéir aux injonctions d’une morale imposée de l’extérieur. En prenant conscience, il comprend et ressent la souffrance qu’il provoque. Il la partage.
L’ignorance, l’origine de la souffrance
La souffrance nait plus souvent de l’ignorance du mal que l’on fait que de la volonté de le faire. L’ignorance est un des trois poisons de l’homme selon Bouddha (à ce sujet, lire l’article Les Trois Poisons). Cette ignorance, au sens où l’entend Bouddha, c’est-à-dire un manque de conscience, ou une conscience altérée, déformée par nos bonnos, a d’abord une origine physique. Notre connaissance des choses est limitée d’une part par nos organes sensoriels eux-mêmes, d’autre part par notre capacité à comprendre ce que nous percevons et ressentons.
Nous ne pouvons pas avoir une vision globale qui nous permettrait d’appréhender le monde entièrement – nous compris – et d’en avoir une compréhension totale. Toutefois, si nous sommes ontologiquement condamnés à l’ignorance, l’évolution de l’humanité s’est bâtie sur l’élévation de notre niveau de conscience. Nous n’avons jamais cessé d’élargir notre champ des connaissances pour mieux comprendre le monde qui nous entoure.
Comprendre et avoir conscience
Mais comprendre le fonctionnement du monde et des êtres qui l’habitent ne veut pas dire comprendre ce qu’est le monde ni savoir ce que sont ces êtres. C’est la différence entre comprendre et avoir conscience. On doit bien constater que tous nos progrès intellectuels, scientifiques et technologiques, s’ils ont changé le monde – pas toujours en mieux – n’ont pas beaucoup changé nos comportements fondamentaux. Nous avons su bâtir des sociétés incroyablement complexes, mais elles sont toujours fondées sur la recherche de pouvoir et l’accaparement des richesses, tout comme les premières sociétés primitives. Nous sommes capables de comprendre les effets du réchauffement climatique sur notre planète, nous pouvons analyser les conflits sociaux que génèrent nos systèmes économiques, nous adhérons à des morales qui condamnent le crime et toute forme de guerre, pourtant nous continuons à détruire la nature, à épuiser ses ressources, à créer de la pauvreté, à entretenir des armées et à assister, impuissants, à des massacres de masse.
Paradoxalement, notre capacité à penser, tout en élargissant de façon extraordinaire notre connaissance du monde, a grandement participé à entretenir notre ignorance, en remplaçant par des concepts et des dogmes la réalité du vécu (à ce sujet lire l’article Revenir au réel). Nous vivons dans une société de mots, d’analyses, de commentaires, de jugements, qui laisse peu de place à la réalité de notre propre expérience et même, souvent, la disqualifie dans le sens où la vérité n’est plus ce que je vis, mais ce que je vois et j’entends dans les médias et sur les réseaux sociaux.
Or, avoir conscience ne peut être qu’une expérience personnelle. Adhérer à une idée, une croyance, une idéologie nous exonère d’écouter notre conscience individuelle, en suivant avec obéissances les conseils des « sachants », les idées de l’époque, ou les injonctions des idéologues de tous bords et de toutes confessions.
Les murs de l’égocentrisme
Avoir conscience, ce n’est pas seulement comprendre intellectuellement les choses, c’est avoir la capacité de les intérioriser, d’établir un lien avec ce qui est hors de soi. C’est en acceptant d’être une part du monde, en acceptant notre interdépendance, que nous élargissons notre champ de conscience et cassons les murs étroits entre lesquels l’ego nous enferme, les murs de l’égocentrisme.
L’égocentrisme, c’est l’ignorance de notre propre interdépendance, l’ignorance des autres, l’ignorance du monde qui nous fait vivre, le désintérêt pour tout ce qui existe hors de nous, de tout ce qui n’est pas nous. Le nous, dans ce cas, peut être pris au sens de l’individu ou d’une communauté. Ainsi, nous pouvons faire souffrir les autres et nous faire souffrir nous-mêmes sans avoir conscience du mal que provoquent nos actes ou nos paroles, l’esprit entièrement fixé sur ce qu’on désire atteindre ou acquérir.
« Ce que vous ne voulez pas qu’on vous fasse, ne le faites pas aux autres. »
Mais si la limitation ou l’altération de notre champ de conscience peut expliquer bien des souffrances en ce monde, elles ne les justifient pas. Chacun possède un niveau de conscience suffisant pour savoir s’il fait du mal à quelqu’un d’autre. Nous pourrions tous – mis à part quelques psychopathes – agir en suivant le précepte du philosophe chinois Confucius vieux de 2600 ans :« Ce que vous ne voulez pas qu’on vous fasse, ne le faites pas aux autres. » .
Réalisez dans quel monde nous pourrions vivre si chacun respectait juste cette règle simple ! Bien sûr, c’est une Utopie, c’est ce que tous les gens « raisonnables » pensent. Pourtant, est-ce que notre monde ne fonctionnerait pas mieux sans la domination des uns sur les autres, sans l’accaparement des richesses par les plus forts au détriment des plus faibles, sans les guerres ?… Est-ce que nos dépenses publiques ne seraient pas mieux utilisées pour l’éducation, l’alimentation et les soins des personnes que dans la construction d’armes de destruction massive ? Ne serait-ce pas plus « raisonnable » ?
Les « bonnes raisons » de l’ego
Alors qu’est-ce qui nous en empêche ? Notre ego. L’ego ne nous rend pas inconscients, il détourne notre conscience naturelle, la conscience de ce qui EST, pour nous enfermer dans une vision purement égocentrique. Même si nous restons conscients de la souffrance que l’on inflige aux autres, souffrances physiques ou morales (injustice, humiliation, perversion…), l’ego va nous fournir de « bonnes raisons » pour ne pas en tenir compte, pour justifier nos agissements, même les pires. On agit mal, on le sait, mais c’est pour défendre sa personne, ses intérêts, ses biens, son honneur, pour protéger sa famille, sa communauté, pour servir une « noble cause », voire même servir Dieu… Ainsi, l’ego peut nous aveugler au point de faire du mal – massacrer des centaines de gens par exemple – en étant persuadés de faire « le bien ».
L’ego étouffe notre conscience, “l’embrouille”, pour nous autoriser à faire ce que l’on sait être mal. Je ne dis pas que l’égo est à l’origine de ce mal. Nous sommes naturellement violents et avides. L’ego nous permet de justifier, voire d’encourager, nos mauvaises actions. L’ego est un beau parleur, il est habile. Il ne vous glisse pas à l’oreille « Vas-y, tu peux faire du mal à autrui ! », il vous persuade que la personne que vous êtes en train de faire souffrir ne fait pas partie d’« autrui », qu’elle n’est pas votre semblable, c’est plus facilement acceptable. Il y a mille façons d’exclure l’autre, malheureusement. Il suffit qu’il ne soit pas du même sexe, de la même appartenance ethnique, sociale ou religieuse, qu’il n’ait pas la même sexualité, la même couleur de peau que nous, qu’il ne partage pas nos opinions ou nos croyances. Cela suffit généralement à nous autoriser à lui faire ce que nous ne voudrions pas que l’on nous fasse, jusqu’aux pires traitements de l’esclavage ou les atrocités perpétuµrées durant les génocides.
Retrouver sa conscience originelle
Dépasser les limites de la conscience, c’est dépasser notre vision égocentrique pour retrouver notre conscience originelle. Cette conscience n’a pas besoin de mots. Elle n’a pas besoin de se penser. Elle est la simple conscience de ce qui est. Cela implique la conscience de ce que nous faisons – et de ce que nous ne faisons pas – et de ses conséquences. Elle est à l’origine de la vraie vertu, celle que l’on pratique naturellement en suivant sa conscience, et non par obéissance à des in jonctions morales ou par peur du jugement, de celui des autres ou celui de Dieu. J’en viens à me dire que si la méditation a un sens, c’est bien celui-là. Se détacher de la vision erronée et égoïste de notre ego. Quand l’ego s’efface, l’amour paraît.
eric
Merci pour ce très beau texte qui résonne profondément en moi … Vous avez par ces paragraphes résumé ma quête introspective sur laquelle je travaille depuis quelques années et que j’essaye, tant bien que peu, de partager sur mon blog. Je pourrai la résumer par “Faire un travail introspectif afin d’harmoniser son impact ‘extrospectif’ autour de soi” … Le programme d’une vie n’est-ce pas ?
Acte
Très beau texte ! Très précis.