Meditation

Lâcher prise

Lâcher prise, c’est se jeter dans le vide

Quand on parle de lâcher prise, formule à la mode, on imagine une forme d’abandon, de laisser-aller. On appelle souvent cela : « être zen ». Mais en réalité le lâcher-prise, comme la pratique du zen, demande une grande vigilance, car nous ne sommes pas habitués à ne pas penser, à ne pas bouger, à ne rien regarder, rien écouter, rien faire.  Se dire « n’y pense plus » c’est encore penser. Se retenir d’agir, c’est encore agir. Alors, comment lâcher-prise ?

D’abord, ne pas vouloir

“Il n’y a rien de plus facile à dire et de plus difficile à faire que de lâcher prise” disait Taisen Deshimaru …. Lâcher prise, c’est se jeter dans le vide, c’est l’abandon de l’ego, c’est se détacher. Pendant la méditation il faut faire taire le je de « je suis », « je fais », « je dois », « je veux » (bien méditer par exemple…). Faire taire celui qui cherche un sens, se fixe un but, veut toujours avoir raison… Pour cela, il faut neutraliser sa volonté. Il ne faut pas vouloir faire, mais laisser faire. Vouloir, c’est s’imposer un but, c’est espérer un résultat, c’est attendre un bénéfice, c’est redouter un échec, etc., soit le contraire du lâcher-prise. Pour lâcher prise, il faut commencer par abandonner toute volonté de lâcher  prise.

Mieux gérer le stress, c’est mieux gérer ses pensées. Au quotidien, notre esprit ressemble à une cocotte-minute. Nous nous enfermons dans nos pensées et refermons le couvercle. Dès le réveil, nous pensons à ce que nous devons accomplir, à l’heure à laquelle nous devons arriver au travail, aux dossiers que nous devons traiter, aux personnes qu’il va falloir rappeler, etc. On repense à ce que nous avons fait la veille, aux discussions que nous avons tenues, aux objectifs que nous nous sommes fixés. Comme un scénariste complaisant, nous réécrivons les scènes de notre vie telles que nous aurions aimé les vivre, nous en changeons les dialogues, nous inventons des suites, nous comparons sans cesse ce qui est à ce que nous voudrions, à ce que nous avions prévu et nous sommes souvent déçus du résultat. Nous jugeons nos actes, ceux des gens autour de nous, nous défendons nos opinions, nos convictions. Nous calculons comment gagner davantage d’argent, de reconnaissance, de pouvoir, d’amour, d’honneur…

Comme nous comparons sans cesse ce qui est à ce que nous voudrions, à ce que nous avions imaginé ou à ce que nous avons connu, nous sommes toujours plus ou moins déçus du résultat. Nous entretenons des sentiments d’insatisfaction, de frustration, de colère, de culpabilité, de ressentiment, d’inquiétude…, tout un cortège d’émotions négatives qui jour après jour nous font perdre confiance et minent notre estime de soi.

Si ça continue, je vais exploser !

Toutes ses pensées – et cela ne représente qu’un court échantillon de quelques minutes d’une journée ! – tournent en boucle dans notre crâne, créent des émotions,   et font monter la pression : le stress, l’angoisse, la surexcitation ou le découragement… On se dit : « Si ça continue, je vais exploser ! »

Alors on cherche une échappatoire, on fait du sport, des exercices de relaxation, on joue aux jeux vidéo pour décompresser… Mais c’est toujours la même mécanique qu’on active : on veut se sentir bien, être plus performant, réussir, avoir une image positive de soi-même. On court derrière cette image narcissique comme un lévrier derrière un leurre, et l’on épuise son énergie à essayer de l’attraper. La pression continue de monter et quand la cocotte explose, c’est le burn-out.

Il ne faut pas croire tout ce qu’on pense !

La question qu’on peut se poser c’est pourquoi sommes-nous autant attachés à ce que nous pensons ? À ce que nous pensons de nous, ce que nous pensons voir dans le regard des autres… Pourquoi sommes-nous autant attachés à nos opinions, au point de pouvoir nous battre pour les défendre, alors que nous en aurons sûrement changé dans quelques jours ou dans quelques années ? Pourquoi sommes-nous autant attachés à nos souvenirs qui ne servent plus à rien et qu’on trimbale comme des valises trop lourdes ?

Et que dire de nos projets ? Combien vont réellement se réaliser ?  Et même s’ils se réalisent, ils ne seront jamais parfaitement conformes à ce que nous avions imaginé. Il y a toujours une différence, un impondérable, un imprévu. Car combien de nos pensées deviennent réalité ? Surement, aucune. Le passé n’existe que parce que nous le réactualisons par les souvenirs et le futur parce que nous l’imaginons. Alors, pourquoi agir comme si ce que nous pensions était vrai ? Pourquoi a-t-on tant de mal à se détacher de nos pensées ? Parce que l’ego n’existe que par la pensée. L’ego, n’a aucune réalité, non au sens qu’il n’existe pas – dans ce cas nous ne serions pas là à en parler – mais au sens qu’il n’a pas de substance propre. Il est l’idée que nous nous faisons de la réalité et de nous-mêmes et nous nous sommes construits sur cette idée. L’ego a besoin de la pensée pour exister. Il a besoin de la pensée pour dire « moi ».

C’est très difficile, comme de surmonter de mauvaises habitudes, de ne pas être dans ses pensées et de reprendre conscience de la réalité. Voilà une des raisons essentielles de méditer. Posez-vous, revenez vivre dans le moment présent, concentrez-vous sur la respiration, laissez ralentir votre rythme cardiaque et accordez-vous un instant d’introspection pour observer ces pensées qui tournent dans votre tête.  Qu’ont-elles de réel ? Là commence le vrai lâcher prise.

Ne plus chercher à tout contrôler

Il faut prendre du recul, il faut apprendre à observer ses pensées  sans s’identifier à elles pour comprendre que, le plus souvent, dans notre vie courante, nous ne réagissons pas à la réalité, c’est à dire ce que nous vivons dans l’instant, ici et maintenant,  mais à aux idées que nous réactivons sans cesse, et qu’en réactivant nos émotions à partir de ces idées, de notre imaginaire, nous produisons, lorsque ces émotions sont négatives, notre propre souffrance. Il faut abandonner ses croyances, ses convictions, ses jugements, et les voir pour ce qu’ils sont: de simples constructions mentales qui n’existent qu’en moi et pour moi.

Nous voulons sans cesse contrôler et diriger notre vie, le regard fixé sur les manettes, en espérant que le monde et les êtres qui l’habitent ressemblent à ce que nous voudrions qu’ils soient. Vouloir tout contrôler, c’est ignorer l’interdépendance et l’impermanence des choses. Cela épuise nos forces et ne nous mène nulle part.

Nous cherchons éperdument à donner un sens à nos vies. Mais ceux qui croient qu’on doit donner un sens à la vie, n’ont rien compris. Ils sont comme un marin fou qui pour diriger son bateau voudrait agir sur les vents et les courants, au lieu de s’en servir pour garder son cap ! C’est la vie qui nous donne un sens, pas le contraire.

Méditer, c’est passer en mode «off »

Trouver le bouton « on-off » en soi, qui nous déconnecte de nos pensées et des émotions qu’elles ravivent, voilà ce que devrait apporter la méditation. Paradoxalement, cette déconnexion ne naît pas de la coupure entre soi et le monde, entre l’esprit et le corps ni même entre soi et ses pensées, mais au contraire de l’effacement de toute séparation.

Le lâcher prise ce n’est pas ne pas penser – cela reviendrait à penser en permanence à ne pas penser, c’est absurde…  –, mais laisser passer ses pensées sans s’y accrocher, sans leur laisser le temps de se substituer à la réalité en nous déconnectant du présent, ici et maintenant.  Il faut  les observer, comme des nuages dans le ciel, sans s’y accrocher ni s’y opposer, et laisser le vent les emporter sans les retenir. Alors le ciel s’éclaircit peu à peu, découvrant l’espace profond et pur de notre conscience originelle.

 

12 Commentaires

  • Kath

    Joli texte, ce n est pas toujours facile, mais j ai l image du nuage cela aide bien…merci

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    • Richard Seff

      Merci Kath ! Laisser passer les pensées, sans s’ y accrocher, comme les nuages dans le ciel, est une image souvent utilisée en zazen.
      Mais le plus intéressant, c’est que cela nous fait prendre conscience que nous ne sommes pas les nuages, comme on le croit généralement, mais le ciel dans lequel ils passent…

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  • Dai Ki

    Lâcher prise c’est aussi arrêter de se regarder écrire…

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    • Richard Seff

      C’est aussi arrêter de se regarder écrire ses commentaires… On va pas aller loin sur ce terrain !

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  • Ekaterina

    je pense qu’il faut pratiquer souvent, pour se détacher et s’ancrer dans le moment présent, je pratique depuis peu, trois ans et j’ai remarqué avec bonheur que j’ai trouvé là un refuge un bien être évident, mais ce n’est pas arrivé tout de suite il a fallu du temps, une pratique régulière, un abandon, un dépouillement de soi, être présent ici et maintenant avec le seul souffle celui de la vie.

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    • Richard Seff

      C’est exactement ça !

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  • Lucile

    Très bel article, merci !

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  • vincent terryn

    Excellent article merci, je passe utile de méditer sur la vacuïté pour dissper notre ego et enfin lâcher prise.
    Si vous voulez continuer votre lecture :
    https://www.meditationpassion.com/comment-lacher-prise-avec-la-meditation/

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    • Richard Seff

      Il faut d’abord prendre conscience du fonctionnement de l’ego pour pouvoir ensuite lâcher prise, c’est à dire se détacher, non de l’ego lui-même, mais des constructions mentales qu’il alimente et auxquelles nous nous attachons.

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  • Philippe

    Bonjour… Voilà je suis complètement seul dans la vie et ca devient tres difficile a accepter…ça fait plusieurs semaines , plusieurs mois que je tente d’améliorer mon quotidien mais cette solitude est tellement installée en moi . Alors je croyais pouvoir trouver un support par la meditation et le lâcher prise mais je n’y parviens pas. Mes idées noires reprennent chaque fois le dessus

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    • Richard Seff

      Bonjour,
      Je suis désolé de vous répondre un peu tard.
      Lorsqu’on traverse des périodes dépressives, le plus dur est d’accepter cet état. Le lâcher prise passe par là.
      Le lâcher prise c’est arrêter de lutter contre, de se juger, d’attendre la solution. Accepter la douleur, c’est commencer à la guérir.
      Les idées noires s’accrochent plus que les autres. Quand vous méditez, ne cherchez pas à les éliminer, mais ne vous fixez pas dessus, essayez de les voir pour ce qu’elles sont : juste des idées. Ce sont ces idées qui vous font souffrir, souvent plus que la réalité. N’intervenez pas, ne jugez pas. Si elles reviennent pendant la méditation, concentrez vous sur votre respiration, ou sur une image heureuse, ou le visage de bouddha, sans rien attendre de plus . Le lâcher prise vient naturellement lorsqu’on oublie son ego.

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