“Le monde est lié à l’illusion et l’esprit puéril ne perçoit pas sa nature propre.” Saraha
Ce qu’en occident nous appelons la conscience, c’est notre capacité à nous penser et à penser le monde. Nous nous identifions à l’idée que nous nous faisons de nous et, comme le dit Bouddha, “Avec nos idées, nous créons notre monde”.
La conscience globale, ou cosmique, ce que les bouddhistes appellent la nature de Bouddha, ne peut être appréhendée par la pensée. Vouloir la percevoir, la « comprendre », la définir, c’est forcément la limiter à nos capacités cognitives et intellectuelles. C’est dans le vide intérieur, dans la non-pensée, dans le silence de l’esprit qu’on peut retrouver cette conscience originelle, non comme une capacité illimitée à comprendre le monde, mais comme un état d’unité avec lui. Nous recevons cette conscience, comme nos yeux reçoivent les particules de lumière venue du fond de l’univers. Nous ne voyons pas la lumière, pourtant elle éclaire tout ce qu’on regarde.
Si je ne pense pas, est-ce que je suis ?
En méditation, on passe de la pensée à la non-pensée et de la non-pensée à la pensée. On peut observer ce passage de l’un à l’autre. Restons sur la non-pensée. Que se passe-t-il durant ces quelques secondes où je ne pense pas ? Est-ce que je continue à exister ? Il semblerait que oui. Est-ce que je suis conscient que j’existe ? Oui, bien que je ne « pense pas » que j’existe, je « sais » que j’existe.
Cette conscience d’être est non réflexive dans le sens où elle n’a pas besoin de se penser elle-même, et vidée de toute intentionnalité. Orientée vers rien – conscience sans objet – observant ce rien sans chercher à lui donner un sens ou une forme, l’observateur peut accéder à cette conscience globale, être conscient de ce qui est et non de seulement de ce qu’il pense.
On peut penser que cette conscience sans objet est en contradiction avec la définition de la conscience énoncée par Edmond Husserl (voir Méditations cartésiennes dans la rubrique A lire), et largement admise par la philosophie moderne, que toute conscience est conscience de quelque chose. Pourtant, Husserl lui-même commence son exploration de la conscience par ce qu’il appelle l’époché, c’est à dire la mise en suspend de toutes représentations et explications du monde, de tout ce qu’on croit savoir, pour retrouver cette présence à ce qui est, sans jugement ni intention. Ainsi, la conscience réflexive, celle qu’utilise la pensée, naît de cette conscience d’être et non l’inverse.
Nous ne sommes pas les nuages, nous sommes le ciel…
Quand on pense, on s’identifie à ses pensées. On vit ce qu’on pense : on se souvient, on se projette, on interprète ce qu’on perçoit, on essaie de lui trouver un sens, on compare, on juge, on rejette, activant en soi tout un cortège d’émotions et de sentiments allant du désir à la peur, de l’empathie à la haine, de la joie à la tristesse ou à la colère… Nous réagissons comme si nos pensées étaient la réalité. Mais si nos pensées sont bien réelles, elles ne sont pas la réalité, ce ne sont que des constructions mentales !…
Pour reprendre une image couramment utilisée dans le zen, les pensées passent comme des nuages dans le ciel. Cela veut dire que nous produisons les nuages, mais nous ne sommes pas les nuages. Nous sommes le ciel dans lequel ils passent.
Pour ces raisons, l’expression même de “prendre conscience” est mal venue. On ne prend pas ce qu’on possède déjà. Méditer, ce n’est pas prendre conscience, c’est retrouver sa conscience.
Planaz
Encore un nouvel éclairage pour faire un pas de plus. Merci
Monique Guillin
Blog très intéressant !
Richard Seff
Merci!