Conscience Ego

La peur l’autre face du désir

Si l’ego crée le désir, c’est la peur qui crée l’ego. (Tableau : Le cri d’Edvard Munch)

La peur est inscrite dans nos gènes depuis des millions d’années. C’est le signal d’alarme qui nous permet d’affronter le danger, soit en fuyant, soit en nous défendant. L’ego ne crée pas la peur, mais il l’arrache à la réalité – l’agression d’un prédateur ou une catastrophe naturelle – pour la projeter par la pensée dans notre imagination, dans notre futur.

Alors la peur va se transformer en crainte diffuse, sans objet concret, en anxiété, en angoisse, en phobies… La peur de souffrir, la peur du danger, mais aussi la peur d’échouer, d’être rejeté, humilié, va nous amener à échafauder des stratégies d’évitement, de défense ou d’agression pour s’en protéger. Ainsi, nous n’allons plus réagir à un danger réel, mais à un danger supposé, imaginaire, qui va déclencher en nous les mêmes réactions physiques : stress, oppression respiratoire, contractions musculaires, blocages digestifs…

La peur n’existe que parce que le désir existe.

Le désir et la peur sont les deux piliers de notre comportement. Tous les deux puisent leur énergie dans notre volonté de vivre, de nous reproduire et de nous protéger, ce qu’on pourrait appeler l’instinct de survie. Les gens qui par chagrin ou désespoir ont perdu le désir de vivre n’ont généralement pas peur de mourir.

C’est parce qu’on veut vivre et se reproduire qu’on cherche à posséder et à dominer. Manipulée par l’ego, cette énergie vitale devient le désir d’être puissant, d’avoir de l’influence, d’accumuler des biens matériels, de séduire, et en corollaire la peur de perdre ce qu’on possède, de perdre son pouvoir, de souffrir, de mourir.

On agit toujours par désir, pour atteindre un but, aller quelque part, posséder quelque chose, entrer en relation avec quelqu’un (quelle qu’en soit l’intention, bonne ou mauvaise…).  Même quand on agît par peur, quand par exemple on s’enferme pour se défendre d’un danger ou qu’on cache son magot, cette peur n’est que l’expression de notre désir de posséder, de rester vivant et de ne pas souffrir.

Et, à bien nous observer, on se rend compte que nous agissons plus souvent par peur que par désir réel de faire. Par  peur de manquer, ce qui nous pousse à aller travailler tous les matins, à faire ses courses le soir, à prendre un crédit pour payer sa maison…, par peur  de perdre ceux qu’on aime, par peur de tomber malade ou simplement par peur du jugement des autres, source inépuisable de regrets, de rancœurs et de sentiments de culpabilité !

Ainsi, de façon très paradoxale, nos sociétés modernes n’ont de cesse de nous proposer des objets de désir, nous donnant à travers le consumérisme une illusion de liberté, tout en nous contraignant à longueur de journée dans nos actions par la nécessité de travailler, d’avoir un statut social, de respecter la loi, de suivre les injonctions quotidiennes pour notre santé, notre beauté, notre bien-être, le respect de nos valeurs collectives, etc., qui réduisent de plus en plus le champ de notre liberté individuelle, créant ainsi  un terreau de frustration et d’insatisfaction sur lequel pousse la violence.

La manipulation de nos peurs

La publicité ne cesse de manipuler nos peurs. Les marques de cosmétiques, par exemple, relayées par la presse spécialisée, activent notre désir de beauté et de jeunesse tout en provoquant en chacun de nous la peur de vieillir, de grossir, de se rider ou de perdre ses performances physiques. Chacun va « désirer » faire de la gym ou du Yoga, adopter un régime alimentaire, aller faire des soins de beauté, et même méditer, alors qu’en réalité c’est la peur de la vieillesse et de la maladie qui le fait réagir.

Il en est de même pour les hommes politiques et les médias qui relaient leurs propos. Faire peur à la population pour leur promettre un monde meilleur est la plus ancienne manipulation de masse. Tous les régimes politiques, toutes les religions l’ont utilisé. La peur de l’enfer, la peur de l’avenir, la peur de perdre ses acquis, son statut social, la peur des changements, la peur de l’étranger sont indispensables à la promesse d’un monde meilleur.

Ce monde meilleur, qu’il soit conservateur, c’est-à-dire fondé sur un modèle issu du passé, idéalisé, figé dans une forme de nation éternelle – comme si les sociétés n’avaient jamais cessé d’évoluer et de mêler leurs cultures – dans laquelle la tradition et « l’entre soi » assurerait la protection du peuple ; ou révolutionnaire, c’est-à-dire fondé sur  la vision d’un avenir aussi radieux qu’inconnu, faisant table rase du passé pour le remplacer par une société fondée sur l’égalité et la liberté du peuple à se gouverner lui-même, n’a jamais existé, sinon dans le discours des démagogues et des exaltés de tous bords. Et pourtant combien de milliers d’hommes et de femmes ont cru à ces promesses au point d’y laisser leur vie, ou pire encore, de sacrifier la vie de leurs semblables.

Méditer, c’est se libérer de la peur

Méditer pour retrouver le silence, faire taire la voix de notre ego, ce n’est pas s’oublier, c’est au contraire reprendre conscience de la réalité de soi-même. Ce n’est pas renoncer au désir de vivre, mais retrouver la réalité de notre énergie vitale non détournée par notre avidité ou inhibée par nos peurs. C’est abandonner tous ces plans de défenses hypothétiques, ces stratégies illusoires pour devenir plus plus puissant, ces prières pour nous protéger des dangers… C’est être en paix

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