“Vous n’avez besoin ni d’encens ni de prière ni d’invocation du nom de Bouddha, ni de confession ni d’Ecriture saintes. Asseyez-vous et méditez.” Maître Dôgen
De toutes les pratiques de médiation bouddhistes, le zazen, qui veut dire méditation assise en japonais, est la plus simple d’accès et en même temps la plus difficile à appréhender pour un esprit occidental. Pas de mantra, d’exercices de concentration, il faut juste s’assoir, garder sa posture et l’esprit vide. Comment ? C’est ce que nous allons voir ensemble.
Pour bien méditer, nous devons rester concentrés sur trois points : la posture du corps, la respiration, l’attitude mentale. Dans cet article nous allons nous concentrer sur la posture. Nous aborderons la respiration et l’attitude mentale dans les prochaines, publications.
Comment s’assoir pour méditer ?
On n’insistera jamais assez sur l’importance d’une bonne posture pour arriver à l’équilibre du corps et de l’esprit, indispensable à la méditation profonde. L’image que l’on voit le plus souvent dans les articles qui parlent de méditation, c’est celle de quelqu’un assis par terre en tailleur, les genoux au-dessus du sol. Or cette posture n’est pas équilibrée. Il suffit de l’essayer pour s’en rendre compte. Le buste à tendance à partir en arrière et l’assise est instable. On est obligé de faire des efforts musculaires pour rester droit. Pour avoir une posture stable, il faut surélever le corps sur un coussin de méditation, le zafu, de façon à pouvoir poser les genoux au sol. Ainsi, l’équilibre de la posture s’exerce par la répartition du poids sur un large socle formé par le fessier et les deux genoux.
Il n’est pas nécessaire de se mettre dans la position du lotus, ce qui n’est pas accessible à tout le monde (pas à moi, en tout cas…), pour méditer, et selon sa souplesse naturelle on peut opter pour le demi-lotus (un pied sur la cuisse ou le mollet, l’autre jambe posée sur le sol), ou la position dite Birmane avec les deux jambes repliées devant soi. Ce qui compte c’est de se sentir stable dans son assise pour pouvoir garder sa posture sans effort. Si les positions de méditation traditionnelles ne vous conviennent pas, vous pouvez aussi méditer sur une chaise. Dans ce cas, asseyez-vous sans toucher le dossier et posez vos deux pieds sans chaussures au sol, parallèles et bien à plat, écartés de la largeur des épaules. La position des mains ne change pas. Quelle que soit la posture adoptée, le dos doit rester naturellement droit et la tête positionnée dans la continuité de la colonne vertébrale, le sommet du crâne poussant vers le ciel, le menton légèrement rentré sans pencher en avant.
Pour se caler, il faut fixer son regard à l’horizontale puis baisser le regard sans baisser la tête. Le visage et les épaules sont détendus, les mâchoires desserrées, le bout de langue collé au palais derrière les incisives. On peut garder un léger sourire intérieur quand on débute la méditation, les neuro-physiciens ont montré par des expériences comment les muscles de notre visage pouvaient influencer nos émotions.
Comment poser les mains ?
Il y a presqu’autant de positions des mains qu’il y a de forme de méditation. La plus courante est de laisser les mains posées à plat sur ses cuisses. Elle est simple, mais présente un inconvénient, elle a tendance à faire remonter les épaules pendant qu’on médite et de créer une tension au niveau de la nuque. Une autre position très courante consiste à placer le dos des mains sur les genoux et de faire toucher le pouce et l’index ou le majeur pour former une boucle. Cette posture permet de détendre davantage les épaules et surtout d’avoir un point de concentration dans le contact des doigts. Cette sensation du contact aide à rester conscient de son corps et de sa posture.
Dans le zazen on pose la main gauche à plat dans la main droite, doigts contre doigts, paumes vers le ciel, en faisant se toucher les pouces, sans forcer, pour former un ovale. Les pouces doivent se faire face, bien verticaux – « ni montagne ni vallée » disent les maîtres zen. Ce point de contact des pouces nous sert dans notre concentration. Les mains sont placées entre le nombril et le pubis, à l’endroit du Hara, le chakra qui reçoit l’énergie vitale qui irrigue notre corps. Elles doivent être maintenues naturellement la tranche des doigts contre le ventre. Normalement, les poignets posés sur les cuisses suffisent à maintenir et stabiliser cette position. Mais parfois, les mains ont tendance à glisser. Dans ce cas, il faut les poser sur un support : coussin très plat ou serviette pliée par exemple. Dans cette position des mains, il n’y a pas de différence, de séparation, entre ce qui est à droite et ce qui est à gauche, ce qui est dessus et est ce qui est dessous ni entre ce qui touche et ce qui est touché. Rester conscient de ce contact durant la méditation nous maintient dans l’unité.
Yeux ouverts ou fermés ?
Faut-il fermer les yeux pour méditer ou les laisser ouverts ? Pendant zazen on garde les yeux mi-clos. Je suis personnellement attaché à cette pratique, car avec les yeux mi-clos, on garde une vision extérieure de son corps et de son environnement tout en étant attentif à ce qui se passe en soi. On reste en contact. « En moi » et « hors de moi » ne forment qu’une seule et même chose.
Se concentrer uniquement sur soi, sur ses sensations, en se coupant du monde extérieur peut développer une vision solipsiste dans laquelle l’expérience individuelle serait la seule réalité, sans prendre en compte la nécessité d’un monde extérieur dans la création des phénomènes que nous percevons. Ce serait oublier notre interdépendance. Mais garder les yeux ouverts, ce n’est pas regarder. Le regard doit se poser, sans rien fixer de particulier et rester immobile. Nous avons tous fait l’expérience du sentiment de plénitude et de sérénité qui nous habite lorsque nous regardons les mouvements de la mer ou les flammes d’un feu de bois dans une cheminée. La raison en est simple. La mer comme le feu n’ont pas de forme propre, stable, le cerveau ne peut les délimiter, les figer dans une image. Libéré de la forme, l’esprit retrouve son unité dans l’expérience pure de la perception du réel. C’est la même chose quand on médite. Il faut apprendre à voir sans voir quelque chose, à entendre sans entendre quelque chose, à être conscient sans être conscient de quelque chose, juste être conscient de notre présence au monde.
Comment trouver la bonne posture ?
La bonne posture est celle qui va vous permettre de rester immobile, sans tension, durant tout le temps de votre méditation. Pour cela le corps doit être en parfait équilibre. Au départ, on peut sentir des blocages. Par exemple, on peut avoir du mal à poser les genoux au sol. Dans ce cas, on peut glisser un petit coussin sous les genoux pour garder le contact avec le sol, bien que le plus souvent la difficulté vient d’une mauvaise position du bassin qui ne bascule pas assez vers l’avant. Ce qui peut vous aider quand vous prenez la posture, c’est de tourner votre buste vers le genou et de vous pencher vers lui en le laissant descendre naturellement, une jambe, puis l’autre. Au cours des séances, le bassin va s’assouplir naturellement en même temps que votre mental va accepter la posture et va lâcher prise.
Il faut bien comprendre que c’est le corps qui trouve sa posture. C’est essentiel. Le mental doit l’accompagner, pas le diriger. Si vous essayez de forcer le corps, de lui faire prendre la posture que vous imaginez, celle que vous pensez être bonne, si vous maintenez cette relation d’objet à sujet que vous entretenez entre votre corps et votre esprit – l’esprit voulant diriger le corps – vous ne trouverez pas votre posture. Ce n’est que lorsque votre ego aura renoncé à intervenir, aura abandonné toute volonté, que la posture s’imposera naturellement à vous.
Durant votre méditation, il vous faudra veiller à garder votre posture, sans tension, mais sans relâchement. Vous ne devez pas chercher à intervenir physiquement pour la corriger, mais être suffisamment attentif pour ne pas perdre la conscience de votre corps et de votre posture. Pour cela, la respiration joue un rôle primordial. Nous en parlerons dans le prochain article.
Tom
Merci pour vos articles toujours très enrichissants. J’ai été surpris en découvrant zazen d’apprendre que les yeux étaient mi-clos et je l’ai appliqué sans comprendre, votre explication m’éclaire sur ce sujet.