Esprit Meditation

L’esprit vaste

“On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux.” Antoine de Saint Exupéry

Le corps durant la méditation doit être comme une barque qui suit le courant de la rivière. La base est stable. La colonne vertébrale, par où circule toute l’énergie, est tendue vers le ciel, solide comme le mat qui supporte la voile. La voile, c’est l’esprit, ouvert au souffle du vent, d’où qu’il vienne, « dans les 10 directions » selon l’expression de Dôgen. C’est “l’esprit vaste”.

L’esprit vaste c’est l’esprit qui dit : « oui ». Oui aux sensations du corps, aux émotions, agréables ou désagréables. Oui aux pensées, aux souvenirs, aux images qui le traversent, sans essayer de les repousser ni de les retenir.  On ne peut attraper le vent ni l’enfermer dans une boîte. Il en est de même de nos pensées, de notre imagination. Mais quand le vent faiblit, dans l’immobilité de la posture, les nuages se dissipent et l’on peut alors voir jusqu’à l’horizon.

Pendant zazen, on dit souvent qu’il faut laisser passer ses pensées, et avec elles les sensations qu’elles provoquent, comme des nuages dans le ciel. Si notre esprit se fixe sur un nuage, il prend la forme de ce nuage, il s’identifie à ce nuage, alors qu’en réalité il est le ciel tout entier dans lequel le nuage passe. L’esprit comme le ciel n’est pas limité dans l’espace ni dans le temps. Il englobe toute chose dans une unité totale.

L’esprit, par nature, est sans forme et sans limite. Il prend la forme de l’objet que nous cherchons à saisir, physiquement (ce que nous percevons) ou mentalement (ce que nous imaginons) en devenant conscience de cet objet. Il est très vaste quand on regarde la mer ou les étoiles et tout petit quand on regarde son nombril… Dans notre vie courante, nous enfermons notre esprit dans la chambre noire de notre mental où se projettent en permanence les pensées et les images qui les accompagnent. Et plus on enferme son esprit, plus on se sent oppressé, limité, empêché. Mais quand on médite, l’esprit sort de cette chambre noire et nous retrouvons sa lumière et son espace originels.

Se concentrer, mais sur quoi ?

L’esprit vaste n’est pas un esprit qui vagabonde dans tous les sens, au contraire. Pour atteindre et garder cet état d’ouverture, il faut rester mentalement concentré.  La concentration est un élément central de la méditation, mais on le comprend mal si l’on pense que la concentration est le résultat de la volonté. Vouloir se concentrer implique que l’on va vérifier que son esprit est bien fixé sur quelque chose. On va se séparer en celui qui fait, celui qui observe, celui qui ressent, celui qui juge, etc., et perdre l’unité originelle de notre esprit. Se concentrer c’est au contraire ne faire qu’un avec ce qu’on observe, comme le peintre ne fait qu’un avec sa toile quand il est en train de peindre ou le musicien avec sa musique. Car, lorsque la création est sincère, ce n’est pas l’ego qui agit, mais l’esprit lui-même.

Au commencement de la méditation, on reste attentif à sa respiration pour stabiliser son mental. C’est une pratique qu’on retrouve dans beaucoup d’autres méditations hindoues et bouddhistes, notamment dans la méditation Vipassana.  En étant conscient de sa respiration, en l’accompagnant jusqu’au bout de l’expire, sans la forcer, on fixe son mental, on l’apaise. On reste ainsi conscient de son corps, donc de sa posture. Comme le valet ne peut servir deux maîtres à la fois, le mental, s’il reste concentré sur le souffle, ne peut se regarder en train de méditer, s’évaluer, se corriger… On abandonne sa tête pour habiter son corps tout entier.

Se décentrer

Là on arrive au point où la concentration devient décentration, c’est-à-dire que je ne m’identifie plus à ce que je pense ni à ce que je perçois. Je ne me dis pas « je vois ceci, je ressens cela ». Il y a juste « ce qui est ». Je passe de la conscience de moi à la conscience de ça.  À ce moment, se concentrer, ce n’est pas fixer son attention sur quelque chose, c’est être attentif à tout.

Dès que l’ego a lâché prise, on s’ouvre à une perception plus globale, incluant ses perceptions, ses sensations et tout ce qui nous entoure, dans une unité retrouvée. On retrouve la vraie nature de notre esprit, sans limites, sans séparation entre les choses. On retrouve l’esprit vaste.

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