Meditation

Ne rien faire

Toute action engendre une action

S’il y a une chose à laquelle nous ne sommes pas habitués, qui va même à l’encontre de notre culture de l’action et de la performance, c’est de ne rien faire, au sens strict du terme. Même lorsque nous sommes en vacances, que nous nous accordons un peu de temps, c’est pour faire du sport, se promener, regarder des films, jouer, lire, réfléchir… En fait nous ne savons pas faire rien.

Pourquoi ne rien faire ? Parce que nous nous identifions depuis si longtemps à ce que nous faisons et à ce que nous pensons, que nous avons perdu le contact avec ce que nous sommes profondément. Accepter de ne pas agir, de ne pas calculer, abandonner toute volonté de contrôler, de faire, de parvenir à …, est un bon moyen de reprendre conscience de notre être. C’est la base de la méditation zen (à ce sujet voir l’article Méditer oui, mais pourquoi ?) .

Rester immobile

En zazen, une fois qu’on a trouvé la stabilité de sa posture, on ne bouge plus. C’est parfois difficile de rester immobile, surtout au début, parce qu’on veut toujours intervenir, améliorer sa position, ralentir sa respiration, contrôler ses pensées, réagir à une tension douloureuse… Bref, parce qu’on veut faire quelque chose .

Agir, c’est la réalisation de la volonté, c’est la réalisation de l’ego. C’est l’ego qui nous pousse, qui nous glisse à l’oreille, toujours soucieux de notre personne : « tu peux mieux faire ! » ou « tu te sentiras mieux si tu changes de position… »  En acceptant l’immobilité, nous retirons à l’ego la possibilité d’intervenir en acte – il peut continuer à agir par la pensée, mais nous aborderons le sujet plus loin. Nous abandonnons l’attitude dualiste du sujet – objet, de celui qui agit et de celui qui observe et qui juge. Nous retrouvons notre unité intérieure.

Ne rien vouloir

Même si l’immobilité annihile l’action, elle n’annihile pas notre désir d’agir. Par la pensée nous pouvons continuer à vouloir agir et entrer en conflit avec notre choix de rester immobile, provoquant ainsi frustration, impatience ou découragement.

Il faut donc aussi stabiliser son esprit pour ne pas agir par la pensée : ne pas réfléchir à ce qu’on doit accomplir, se juger, calculer le temps qu’il reste, prévoir ce qu’on va faire après… Laisser passer ses pensées, sans intervenir, c’est aussi ne pas agir.

Ne rien retenir, ne rien fuir

Il y a un autre piège à éviter quand on médite, c’est vouloir retrouver les expériences et les sensations qui nous ont semblées agréables ou gratifiantes. En s’asseyant sur le zafu, nous allons plus ou moins consciemment chercher à renouveler cette expérience, à retrouver ces sensations. A ce moment- là, nous ne sommes pas dans l’immobilité, mais en mouvement – même s’il n’est accompagné d’aucun geste – nous allons vers quelque chose. Nous ne sommes plus attentifs au présent, mais projetés dans ce que nous voulons acquérir ou retrouver. Nous allons chercher à satisfaire notre ego qui veut plus, qui veut mieux, qui veut encore

Ce qui est vrai de la volonté d’agir pour retrouver ce qu’on a aimé fonctionne aussi pour son contraire. Combien de nos actions ont pour seul but d’éviter de revivre ce qui nous a déplu ? Ainsi, en méditation, si nous avons le souci d’éviter certaines pensées, certaines sensations, certaines émotions, notre esprit continuera à agir. Dans ce cas, il n’ira pas vers, mais contre, il rejettera. Nous ne trouverons pas l’immobilité.

Ne rien faire ce n’est pas le farniente

Ne rien faire – on devrait plutôt dire faire rien – ce n’est pas le farniente de nos vacances au soleil, un relâchement de notre corps et de notre esprit. Cela demande au contraire une vigilance de tous les instants, car notre corps et encore moins notre esprit ne sont habitués à l’immobilité. L’ego a toujours une raison d’agir : se protéger, chercher à être plus heureux, plus fort, plus aimé… Agir pour conquérir, pour se battre ou pour fuir. Agir pour aller ailleurs.

C’est dans cette faille entre ce que nous sommes et ce que nous VOULONS être que naissent la plupart de nos souffrances psychologiques, notamment la colère, le découragement, la culpabilité et la perte de l’estime de soi qui rend l’amour si difficile ! En gardant le corps et l’esprit immobiles durant la méditation, nous réduisons cette fracture en nous et retrouvons notre unité (à ce sujet voir l’article Unis vers l’Uni ) .

Être sans chercher à devenir

Ne rien faire est essentiel dans la méditation. Nous passons notre vie à chercher à devenir, ignorant la plupart du temps ce que nous sommes à l’instant où nous le vivons. Être immobile, c’est ne plus être dans l’illusion de devenir, pour prendre pleinement conscience de ce que l’on est, ici et maintenant.

Le devenir est un bolide conduit par l’ego. On veut arriver tellement vite à destination qu’on ne voit rien des paysages que l’on traverse. Il ne faut pas pratiquer la méditation en voulant devenir quelqu’un d’autre. Même les  motivations les plus nobles ne sont jamais complètement désintéressées. On ne s’impose pas un comportement vertueux sans en attendre une récompense. Malheureusement, nombreux sont ceux qui cachent sous les oripeaux de la vertu et de l’altruisme, ce qui n’est en réalité que leur désir de satisfaction narcissique, de pouvoir ou de reconnaissance.

Si l’esprit est pur, ne recherche aucune forme de profit, aucune satisfaction égoïste au détriment des autres, aucune ambition personnelle, alors il sera vertueux naturellement, ses actes seront justes, sans volonté particulière, comme le soleil nous offre sa lumière.

 

 

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